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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/147

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Sidoine Apollinaire, les Polignac ont une illustration historique.

D’abord, ce sont de vieux conspirateurs. Le cardinal Melchior de Polignac, l’auteur de l’Anti-Lucrèce, avait conspiré contre le régent au commencement de l’autre siècle ; le prince Jules de Polignac avait conspiré contre Napoléon au commencement de celui-ci ; puis, pendant la révolution française, les femmes avaient joué leur rôle : on se rappelle la comtesse Diane et la duchesse Jules, ces deux amies inséparables de la reine, la duchesse Jules surtout, à qui Marie-Antoinette donna une layette de cent mille écus et un duché d’un million et demi.

Le comte Jules de Polignac, promoteur des ordonnances, était son second fils ; il avait été fait prince en 1817 ou 1818, par Pie VII, prince romain, bien entendu. Émigré en 1789, il était revenu en 1804 en France, avec son frère aîné Armand, tout exprès pour prendre part à la conspiration de Cadoudal et de Pichegru ; il allait être condamné, il était même, à ce que je crois, condamné à mort, lorsque l’intercession obstinée de Joséphine lui sauva la vie.

Tout cela en faisait un homme à part, l’homme important du procès qu’on allait instruire.

Après vingt-six ans d’exil, de prison, d’ambassade, de pairie, de ministère, il rentrait, en 1830, sous le poids d’une seconde accusation mortelle, dans ce même donjon de Vincennes où — pour la cause monarchique toujours — il était déjà entré en 1804.

L’ordre fut donné de transférer les prisonniers du pavillon de la Reine au donjon.

M. de Polignac sortit le premier. Je l’avais vu quelquefois chez madame du Cayla : c’était un fort bel homme sous ses cheveux blancs, très-grand seigneur, de hautes manières et d’une suprême distinction.

Mais, il faut le dire, toutes ces qualités ne touchent pas beaucoup le peuple ; souvent même elles sont des titres de proscription : dans la première révolution, de beau linge et une peau fine furent plus d’une fois cause de mort.