et produisait son effet. On eût dit que l’on marchait sur de la lave.
Je vois l’adjudant Richy s’approcher de Bastide, et lui dire tout bas quelques mots à l’oreille.
— Ce n’est pas possible ! s’écrie Bastide.
— Voyez-y plutôt vous-même, ajoute Richy.
Bastide sort précipitamment, et presque aussitôt nous l’entendons crier :
— À moi, les artilleurs de la troisième !
Mais, avant que nous eussions eu le temps de franchir le seuil du corps de garde, lui avait enjambé les cordages du parc, et était allé droit à un groupe d’hommes qui, malgré la consigne, se trouvait dans l’enceinte réservée aux pièces.
— Hors du parc ! criait Bastide, hors du parc à l’instant même, ou je vous passe mon sabre au travers du corps, à tous les uns après les autres !
— Capitaine Bastide, dit un des hommes à qui s’adressait cette menace, je suis le commandant Barré…
— Soyez le diable, peu m’importe ! la consigne est qu’on n’entre pas dans le parc : hors du parc !
— Pardon, dit Barré, mais je voudrais bien savoir qui commande ici, ou de vous ou de moi ?
— Celui qui commande ici, c’est le plus fort… Je ne vous connais pas… À moi, artilleurs !
Nous étions cinquante autour de Bastide, le poignard à la main.
Quelques-uns avaient eu le temps de prendre au râtelier leurs mousquetons tout chargés.
Barré céda.
— Que voulez-vous ? demanda-t-il.
— Prenez une pièce au hasard, et mettez-la en batterie ! nous crie Bastide.
Nous nous élançons sur la première pièce venue ; mais, au troisième tour de roue, la rondelle saute, et la roue tombe.
— Ce que je veux, dit Bastide, c’est que vous me rendiez les esses de mes pièces, que vous venez d’enlever.
— Mais, enfin…