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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/265

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


CLXXXIV


Alphonse Rabbe. — Madame Cardinal. — Rabbe et l’académie de Marseille. — Les Massénaires. — Rabbe en Espagne. — Son retour. — Le journal le Phocéen. — Rabbe en prison. — Le fabuliste. — Rabbe vient à Paris. — La Sœur grise. — Les résumés historiques. — Le conseil de M. Brezé. — Un homme d’imagination. — Le style Berruyer. — La Sœur grise volée. — Adèle. — Son dévouement à Rabbe. — Le pain des forts. — Ultime lettere.

Alphonse Rabbe était né à Riez, dans les Basses-Alpes. Comme il arrive à tous les cœurs tendres et profonds, son pays était un de ses amours ; à tout propos il en parlait, et, à l’en croire, ses ruines romaines valaient celles d’Arles ou de Nîmes.

Rabbe était un des hommes les plus extraordinaires de notre époque ; s’il eût vécu, il en eût certes été un des plus remarquables. Hélas ! aujourd’hui, qui se souvient de Rabbe, excepté Méry, Hugo et moi ?

En effet, ce pauvre Rabbe a donné aux autres tant de lambeaux de sa propre vie, qu’il n’a pas eu le temps, pendant les trente-neuf ans qu’elle a duré, de faire un de ces livres qui survivent à ceux qui les ont faits ; lui dont la parole sténographiée eût formé une bibliothèque, lui qui a mis au monde littéraire et politique Thiers, Mignet, Armand Carrel, Méry et tant d’autres qui ne s’en doutent pas, a disparu de ce double monde sans y laisser d’autres traces que deux volumes de fragments publiés par souscription après sa mort, avec une admirable préface en vers de Victor Hugo.

Et encore, pour citer quelque chose de ces fragments, que j’avais entendu lire au pauvre Rabbe lui-même, près duquel je n’étais qu’un enfant fort inconnu, — à sa mort, je n’avais fait qu’Henri III, — j’ai voulu me procurer ces deux volumes : autant aurait valu me mettre à la recherche de l’anneau de Salomon ! Enfin, je les ai trouvés, où l’on trouve tout, au reste, rue des Cannettes, au cabinet littéraire de