Un sujet pareil se constate en trois lignes, comme fait, ou s’étend en deux volumes, comme étude psychologique.
Pauvre Adèle ! nous n’avons qu’un souvenir et quatre lignes à te donner !
Cette mort acheva de pousser Rabbe au désespoir ; de l’époque de la mort d’Adèle date véritablement l’ère désespérée de sa vie. En effet, Rabbe venait de s’apercevoir non-seulement que la destruction était en lui, mais encore qu’elle émanait de lui.
C’est de ce moment surtout que sa plainte devient amère et incessante ; c’est de ce moment qu’il s’arrange de manière à ce que sa pensée se trouve incessamment en face du suicide, afin qu’elle s’y habitue.
Il a des tablettes qui restent éternellement sous ses yeux ; il les appelle le pain des forts ; c’est effectivement la nourriture de son âme.
Nous extrayons du journal funèbre quelques-unes de ses pensées les plus remarquables.
« Homme, d’où, vient ton orgueil ? Ta conception est une faute ; ta naissance est une douleur ; ta vie, un travail ; ta mort, une nécessité. »
« Cadavre vivant ! quand seras-tu donc rendu à la poussière ? Ô solitude ! ô mort ! je me suis abreuvé de vos sévères délices. Vous êtes mes amantes, seules mais fidèles ! »
« Amère et cruelle absence du visage de Dieu, jusques à quand me tourmenteras-tu ? »
« Chacune de nos heures nous pousse au tombeau, et s’accélère du mouvement de celles qui la précèdent. »