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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/7

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Tout cela avait pris un quart d’heure à peu près ; depuis un quart d’heure, ces messieurs attendaient. Ils commençaient à trouver l’attente un peu longue.

Tout à coup, la porte s’ouvrit et le duc entra, le sourire sur les lèvres ; seulement, le sourire n’avait pas eu le temps, si nous pouvons nous exprimer ainsi, de monter jusqu’aux yeux : la bouche souriait, mais le regard était encore interrogateur.

— Messieurs, dit le prince, vous ne doutez pas du plaisir que j’ai à vous recevoir ; mais…

Bastide devina, et regarda M. Thiers.

— Mais vous ne comprenez rien à notre visite ? Demandez alors, une explication à M. Thiers, et M. Thiers voudra bien vous la donner, je l’espère, telle que la dignité du parti que nous représentons n’ait point à en souffrir.

M. Thiers, en effet, donna une explication équivoque, embarrassée, à laquelle le duc d’Orléans coupa court en disant :

— C’est bien, c’est bien, monsieur… Je vous remercie de me procurer la visite de nos plus braves combattants.

Puis, se tournant de leur côté, il parut attendre que l’un d’eux commençât. Boinvilliers prit le premier la parole.

— Prince, dit-il, demain, vous serez roi…

Le duc d’Orléans fit un mouvement.

— Demain, monsieur ? dit-il.

— Si ce n’est demain, ce sera dans trois jours, ce sera dans huit jours… Peu importe le temps.

— Roi ! répéta le duc d’Orléans ; et qui vous dit, cela, monsieur ?

— La marche que suivent vos partisans, la pression qu’ils exercent sur les choses, n’osant pas l’exercer sur les hommes ; les placards dont ils couvrent les murailles, l’argent qu’ils répandent dans les rues.

— Je ne sais pas ce que font mes partisans, répondit le duc ; mais ce que je sais, c’est que je n’ai jamais aspiré à la couronne, et qu’aujourd’hui encore, je ne la désire pas, quoique beaucoup de gens me pressent de l’accepter.

— Enfin, monseigneur, supposons, cependant, que l’on