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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/9

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

homme, sûr d’hériter de son père ne craindra pas d’avoir une opinion à lui, tandis que l’homme à élire aura l’opinion qu’on lui imposera… Au reste, reprit le duc, c’est là une question à examiner, et, si la pairie héréditaire croule réellement, ce n’est point moi qui la rèèdifierai à mes frais.

Prince, dit alors Bastide, je crois que, dans l’intérêt même de la couronne qui vous est offerte, il serait bon de réunir les assemblées primaires.


— Les assemblées primaires ? dit le duc en tressaillant. Oui, en effet, je sais que je parle à des républicains.

Les jeunes gens s’inclinèrent ; ils étaient venus moins en alliés qu’en ennemis : ils acceptaient la qualification, au lieu de la repousser. Leur intention était de faire la situation bien nette entre eux et le pouvoir.

— Franchement, messieurs, dit le duc, croyez-vous la république possible dans un pays comme le nôtre ?

— Nous croyons qu’il n’y a pas de pays où le bon ne puisse être substitué au mauvais.

Le duc secoua la tête.

— Je croyais que 1793 avait donné à la France une leçon dont elle saurait profiter.

— Monsieur, dit Cavaignac, vous le savez aussi bien que nous, 1793 était une révolution, et non une république ; d’ailleurs, continua-t-il avec une fermeté d’accent, et une netteté de prononciation qui ne permettaient pas de perdre une seule syllable de ce qu’il disait, autant que je puis me le rappeler, les événements qui s’écoulèrent de 1789 à 1793 obtinrent votre entière adhésion… Vous étiez de la société des Jacobins ?

Il n’y avait pas à reculer ; on déchirait hardiment le voile du passé, et le futur roi de France apparaissait entre Robespierre et Collot-d’Herbois.

— Oui, c’est vrai, dit le duc, j’étais de la société des Jacobins ; mais, heureusement, je n’étais pas de la Convention.

— Votre père et le mien en étaient, monsieur, dit Cavaignac, et tous deux ont voté la mort du roi.

— C’est justement pour cela, monsieur Cavaignac reprit