Tout à coup, au milieu d’une conversation particulière avec mon voisin de gauche, le nom de Louis-Philippe, suivi de cinq ou six coups de sifflet, vint frapper mon oreille. Je me retournai.
Une scène des plus animées se passait à quinze ou vingt couverts de moi.
Un jeune homme, tenant de la même main son verre levé et un couteau-poignard ouvert, s’efforçait de se faire entendre. C’était Évariste Gallois, lequel fut, depuis, tué en duel par Pescheux d’Herhinville, ce charmant jeune homme qui faisait des cartouches en papier de soie, nouées avec des faveurs roses.
Évariste Gallois avait vingt-trois ou vingt-quatre ans à peine à cette époque ; c’était un des plus ardents républicains.
Le bruit était tel, que la cause de ce bruit était devenue incompréhensible.
Ce que j’entrevoyais dans tout cela, c’est qu’il y avait menace ; que le nom de Louis-Philippe avait été prononcé, — et ce couteau ouvert disait clairement à quelle intention.
Cela dépassait de beaucoup la limite de mes opinions républicaines : je cédai à la pression de mon voisin de gauche, qui, en sa qualité de comédien du roi, ne se souciait pas d’être compromis, et nous sautâmes, de l’appui de la fenêtre, dans le jardin.
Je rentrai chez moi assez inquiet : il était évident que cette affaire aurait des suites. En effet, deux ou trois jours après, Évariste Gallois fut arrêté.
À la fin de ce chapitre, nous le retrouverons devant la cour d’assises.
Cet événement tombait au milieu d’un autre événement qui, pour nous, avait une certaine gravité.
J’ai dit l’ordonnance rendue sur la croix de juillet, l’imposition de la légende Donnée par le roi des Français, et la substitution du ruban bleu liseré de rouge au ruban rouge liseré de noir. Cette ordonnance avait été signée par le roi dans un moment de mauvaise humeur.