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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/175

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

à attendre une Jeune fille qu’il a vue une fois ; et, au moment où il apprend que Borgia est près de sa femme, au moment où la jalousie devrait lui donner des ailes pour courir au Louvre, il se perd dans un escalier.

Pendant tout le quatrième acte, c’est-à-dire pendant qu’on a conduit sa femme à la Bastille, pendant qu’on l’a jugée, pendant qu’on l’a condamnée, il a tâtonné, cherché la rampe, cherché la porte ; sorti de la chambre d’Isabelle à la fin du troisième acte, il ne reparaît dans la rue qu’au commencement du cinquième, et, cela, pour venir mourir au coin de la rue de la Ferronnerie.

C’est là l’idée principale du drame. Selon l’auteur, Concini est le véritable assassin d’Henri IV ; Ravaillac n’est que le couteau. Voilà pourquoi, au lieu d’être tué sur la borne de la cour du Louvre, le maréchal d’Ancre est tué sur la borne de la rue de la Ferronnerie, à l’endroit même où s’appuya l’assassin pour donner le terrible coup de couteau du vendredi 14 mai 1610.

Au reste, je suis de l’avis de l’auteur ; je ne crois pas qu’il soit bien nécessaire qu’une œuvre d’art ait toujours, pour autorité, « un parchemin par crime, et un in-folio par passion. » Il y a longtemps que J’ai dit qu’en matière de théâtre surtout, il me paraissait permis de violer l’histoire, pourvu qu’on lui fît un enfant ; mais faire tuer Henri IV par Concini, sans autre but pour Concini que de régner, après la mort du Béarnais, par la reine et sur la reine, c’est donner une bien petite raison à un si grand crime. Soit, mettez Concini derrière Ravaillac ; mais, derrière Concini, mettez la reine et d’Épernon, et, derrière la reine et d’Épernon, mettez cette éternelle ennemie de la France, l’Autriche ! l’Autriche, qui n’a jamais touché à la France qu’avec la pointe du couteau de Jacques Clément, du poignard de Ravaillac ou du canif de Damiens, sachant bien qu’il était trop dangereux de la toucher avec la pointe d’une épée.

Le succès fut un peu froid, malgré les beautés de premier ordre que renferme l’ouvrage, beautés de style surtout. Un