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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/221

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

dans ses bras pour l’emporter. L’homme masqué s’approche à son tour, et… et l’acte pourrait finir ainsi ; tenez, j’ai crayonné la dernière scène… Supposons que l’homme masqué ait pris le nom de Robertson, que le père s’appelle Da Sylva, et la jeune femme Caroline :

« Robertston, appuyant la main sur l’épaule de Da Sylva. — Laissez là cette jeune femme.

» Caroline. — Oh ! mon père !… mon Robertson !…

» Da Sylva. — Ton Robertson !… Eh bien, venez tous, et que tout le monde connaisse ton Robertson !… À bas ce masque ! (Il arrache le masque de Robertson.) Regarde, c’est…

» Robertson. — Silence ! au nom de votre fille, et pour votre fille ! »

Vous comprenez, continua Beudin il remet promptement son masque, si promptement, que personne, excepté le public, auquel il fait face, n’a eu le temps de voir son visage…

— Eh bien, après ?

— Après ? « Tu as raison, dit Da Sylva, qu’elle seule te connaisse… Cet homme… Eh bien ? demande Caroline avec anxiété. Cet homme, dit Da Sylva en se penchant à l’oreille de sa fille, cet homme, c’est le bourreau !… » Caroline jette un cri, et tombe. Le prologue finit là.

— Attendez donc, lui dis-je, mais je connais quelque chose de pareil à cela… oui… non… si dans les Chroniques de la Canongate !

Oui, c’est, en effet, le roman de Walter Scott qui nous a donné l’idée de notre pièce.

Eh bien, mais après ? Il n’y a pas de drame dans la suite du roman.

— Non… Aussi, nous nous en séparerons complétement partir de ce moment-là.

— Bon ! et, en nous en séparant, où allons-nous ?

— Nous sommes à vingt-six ans de distance. Le théâtre représente le même cabinet seulement, tout a vieilli de vingt-six ans, personnages, meubles, tentures. L’homme dont le public a vu le visage, et que Da Sylva a dénoncé tout bas à sa