CCXV
On s’occupait fort, à cette époque, de la démission et de l’exil de Chateaubriand, qui tous deux étaient volontaires.
L’ancien ministre donnait sa démission de pair de France, à cause de l’abolition de l’hérédité de la pairie ; l’auteur des Martyrs s’exilait, parce que le bruit que faisait son opposition devenait, de jour en jour, moins sonore, et qu’il craignait de le voir s’éteindre tout à fait.
— Vous savez, madame, que Chateaubriand devient sourd ? disais-je, un jour, à madame O’Donnel, femme d’esprit, sœur d’une femme d’esprit, fille d’une femme d’esprit.
— Bon ! me répondit-elle, c’est depuis qu’on ne parle plus de lui.
Eh bien, oui, il faut l’avouer, il se faisait contre Chateaubriand une terrible conspiration, celle du silence, et Chateaubriand n’avait pas la force de la supporter. Il espéra que l’écho de cette vaste renommée qui, un instant, avait presque balancé dans le monde celle de Napoléon, s’était réfugié à l’étranger.
Les journaux firent grand bruit de cet exil volontaire. Béranger y vit sujet à l’un de ses petits poëmes, et lui, voltairien et libéral, adressa des vers à l’auteur d’Atala, de René et des Martyrs, catholique et royaliste.
On se rappelle cette poésie de Béranger, qui commence par ces quatre vers :
Chateaubriand, pourquoi fuir ta patrie,
Fuir notre amour, notre encens et nos soins ?