» Pourquoi t’affliger, ô roi ! et pourquoi gémir sur les débris de ta couronne ? pourquoi t’élever contre ceux qui t’ont précipité de ton trône ? Si tu tombes aujourd’hui, c’est que ton heure est venue : vouloir la prolonger d’un instant serait une insulte à la majesté des cieux.
» Tout ce qui existe ici-bas n’a-t-il pas ses phases de vie et de mort ? L’herbe des vallées est-elle éternellement fleurie ? Et, après la saison des beaux jours, n’arrive-t-il pas qu’un matin le vent d’automne disperse le feuillage des hêtres ?
» Cesse donc de te plaindre, ô roi ! et de t’agiter dans ta solitude ! Ne sois point surpris si ta route est déserte, et si les nations se taisent sur ton passage comme devant un funèbre convoi : tu n’as pas failli à ta mission ; seulement, ta mission est finie. C’est le destin.
» Ignores-tu que l’humanité ne vit que dans l’avenir ? Qu’importe au présent l’oriflamme de Bouvines ? Ensevelissons-la auprès de tes ancêtres, immobiles sous leurs monuments ; aux hommes du présent, il faut une autre bannière.
» Et, quand nous aurons scellé d’un triple sceau la pierre qui recouvre la majesté du passé, inclinons-nous comme les
peuples de Memphis devant le silence de leurs pyramides, géants muets du désert ; mais comme eux ne restons pas le front dans la poussière, et, sur les débris des cultes antiques élançons-nous vers l’infini !
» C’était ainsi que je chantais à l’aurore de ma vie.
Poëte,