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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/55

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

» Ô surprise ! ma main, au lieu de s’abattre sur sa face, rencontra sa main ; une étreinte d’amour nous réunit, et, de sa voix gravement solennelle, il prononça ces paroles :
» — L’eau, l’air, la terre et le feu ne sont à personne ; ils sont à Dieu !
» Puis, entr’ouvrant les plis du vêtement qui recouvrait ma poitrine, il appuya un de ses doigts à la place où battait mon cœur, et il en jaillit une flamme brillante, et je me sentis soulagé.
» Saisi d’étonnement, je m’écriai :
» — Qui donc es-tu, toi dont la parole fortifie, et dont l’attouchement régénère ?
» — Cette nuit même, tu le sauras ! me répondit-il.
» Et il continua sa route.
» Je le suivis, et je pus le considérer à loisir : c’était un homme du peuple au dos arqué et aux membres puissants ; sur sa poitrine flottait une barbe inculte, et sa tête nue et presque chauve attestait un long travail et de rudes passions. Il marchait, portant sur son épaule un sac de plâtre dont le poids courbait ses reins. Ainsi voûté, il passait à travers la foule… »

L’apôtre suit alors le dieu ; car, cet homme qui l’a consolé, c’est le Mapah ; il le suit jusqu’au seuil de son atelier dans lequel il disparaît.

C’était ce même atelier où m’avait conduit Chaudesaigues, sur le quai Bourbon, dans l’île Saint-Louis.

Bientôt la porte de cet atelier se rouvre, et l’apôtre peut entrer à son tour, et assister au spectacle que lui a promis le Mapah.

D’abord, il retrouve le Mapah lui-même.

« Et, pourtant, le maître de cette demeure n’avait point les allures d’un ouvrier vulgaire. C’était bien encore l’homme au sac de plâtre, à la barbe inculte, à la blouse déchirée, qui m’avait abordé d’une façon si inattendue ; c’était bien la même puissance de regard, la même largeur d’épaules, la même force