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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/70

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

XIII

» Entends-tu à l’horizon le vent qui mugit, et la grande voix du fleuve, qui se plaint dans sa prison de granit ? Entends-tu le gémissement des vagues et le cri des oiseaux de ténèbres ? C’est que l’enfantement est proche.

XIV

» Comme aux jours de ton départ, ô France ! ô Liberté ! revêts-toi de tes plus beaux habits ; répands sur tes cheveux les plus purs parfums d’Arabie ; vide avec tes disciples la coupe des adieux, et achemine-toi vers ton calvaire, où doit être scellée la délivrance du monde.

XV

» Comment se nomme cette colline que tu gravis au milieu des éclairs ? Cette colline, c’est Waterloo ! Comment se nomme cette plaine toute rouge de ton sang ? C’est la plaine de la Belle-Alliance ! Sois bénie, à jamais bénie entre toutes les femmes, entre toutes les nations, ô France ! ô Liberté !

» Et, ayant entendu ces choses, celui qui est reprit :
» — Ô ma mère, toi qui m’as dit : « La mort n’est pas le tombeau ; elle est le berceau d’une vie plus grande, d’un amour plus infini ! » ton cri est venu jusqu’à moi. Ô ma mère ! par l’angoisse de ton pénible enfantement, par les souffrances de ton martyre, que la tête du serpent soit écrasée, et l’humanité sauvée !
» Et, se retournant vers moi, il ajouta :
« — Enfant de Dieu, que cherches-tu ? le soleil ou l’obscurité ? la mort ou la vie ? l’espérance ou le sépulcre ?
» — Frère, ai-je répondu, je cherche la vérité !
» Et il reprit :
» — Au nom de l’unité primitive, reconstituée par le beau sang de France, je te salue apôtre d’Ève-Adam !…
» Et, en prononçant ces paroles, celui qui est évoqua l’abîme, qui s’entr’ouvrit à sa voix.