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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/89

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

sent tous les jours qu’ils l’admirent et qu’ils l’aiment, il n’en est peut-être pas un qui vous aime plus que je ne le fais ; seulement, ils le disent et ne le pensent pas, et, moi, je ne le dis pas et je le pense.

» Mais, sire, le dévouement aux principes passe avant le dévouement aux hommes. Le dévouement aux principes fait les la Fayette ; le dévouement aux hommes fait les Rovigo[1].

» Je supplie donc Votre Majesté d’accepter ma démission.

» J’ai l’honneur d’être, avec respect,

» De Votre Majesté, etc.

» Alex. Dumas. »

Chose étrange ! aux yeux du parti auquel j’appartenais, j’étais républicain, bel et bien républicain, puisque je prenais ma part à toutes les émeutes ; je voulais voir le drapeau de 92 flotter à la tête de nos armées ; mais, en même temps, je ne comprenais pas que, du moment qu’on avait pris un Bourbon pour roi, qu’il fût de la branche aînée ou de la branche cadette, qu’il fut même Valois, comme on avait essayé un instant de le faire croire au bon peuple parisien, — les fleurs de lis dussent cesser d’être ses armes.

C’est que j’étais à la fois poëte et républicain ; c’est que déjà je comprenais et je soutenais, contrairement à certains esprits étroits de notre parti, que la France, même démocratique, ne datait pas de 89 ; que nous avions, nous autres hommes du XIXe siècle, un immense héritage de gloire à recevoir et à conserver ; que les fleurs de lis sont les fleurs de lance de Clovis et les angons de Charlemagne ; qu’elles ont successivement flotté à Tolbiac, à Tours, à Bouvines, à Taillebourg, à Rosbec-

  1. Nous sommes obligé d’avouer que, dans notre opinion, le parallèle entre la Fayette et le duc de Rovigo est au désavantage de ce dernier ; mais combien, en le comparant aux autres hommes de l’Empire, il est au-dessus d’eux ! L’amour de la Fayette pour la liberté est sublime ; le dévouement du duc de Rovigo pour Napoléon est respectable, car tout dévouement est une belle et surtout rare chose par le temps qui court.