Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

d’adorables hallucinations, que l’on finit par préférer la vie factice à la vie réelle.

Tony donc travaillait quinze heures par jour, et laissait dire.

Ce fut ainsi qu’après avoir exposé, avec son frère, cette série de tableaux-vignettes dont j’ai parlé à propos d’Alfred, il fit seul Minna et Brenda sur le bord de la mer ; — la Bataille de Rosbecque ; — la Mort de Julien d’Avenel ; — la Bataille de Fontenoy ; — l’Enfance de Duguesclin ; — l’Embarquement d’Élisabeth à Kenilworth ; — Deux Jeunes Femmes près d’une fenêtre ; — la Sieste ; — Louis XIII forçant le passage du Méandre ; — un sujet tiré d’André, de George Sand ; — un sujet tiré des Évangiles ; — un sujet tiré de l’imitation de Jésus-Christ ; — le Roi Louis-Philippe offrant à la reine Victoria deux tapisseries des Gobelins au château d’Eu.

Enfin, après s’être abstenu aux expositions de 1843, de 1845 et de 1846, il envoie douze tableaux en 1848, cinq en 1850, trois en 1851, et, en 1852, une Scène de village et les Plaisirs de l’automne.

Trois ou quatre ans auparavant, les amis de Tony avaient été effrayés d’une chose qui, cependant, leur paraissait impossible, malgré la crainte des médecins.

Tony avait été menacé d’un phthisie pulmonaire.

Rien n’était plus solidement construit, il faut vous le dire, que la poitrine de Tony Johannot, et, à moins d’ambition démesurée, jamais poumons n’avaient été logés plus commodément pour accomplir leurs fonctions ; aussi les amis de Tony Johannot en furent-ils quittes pour la peur.

Tony toussa, cracha un peu de sang, suivit un régime, et se guérit.

Il n’avait pas cessé de travailler. — Pour nous autres producteurs, le travail fait partie de l’hygiène. — Il venait de faire son Évangile, son Imitation de Jésus-Christ ; il interrompait un tableau à l’huile, de Ruth et Booz, pour se mettre à l’illustration des œuvres de Victor Hugo, quand tout à coup il s’affaissa sur lui-même, et tomba sur ses genoux.