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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/200

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Mais Robert Gaguin, historien du xve siècle, s’est porté le défenseur de Jeanne de Navarre. Après avoir parlé de la conduite des trois princesses épouses des trois fils de Philippe le Bel, et de leur châtiment, il ajoute que « ces désordres et leur suite épouvantable donnèrent naissance à une tradition injurieuse pour la mémoire de Jeanne de Navare, épouse de Philippe le Bel. Suivant cette tradition, elle faisoit jeter, de la fenêtre de sa chambre, dans la rivière, les écoliers qu’elle attiroit. Un seul de ces escoliers, Jean Buridan, eut le bonheur d’échapper au supplice qu’il avoit encouru ; c’est pourquoi il publia ce sophisme (avant de s’exiler) : Ne craignez pas de tuer une royne ; cela est quelquefois bon (Reginam interficere nolite timere ; bonum est). »

Ainsi Gaguin ne conteste pas le fait ; il le confirme, au contraire, et le développe, se plaignant seulement — et ce n’est pas sans raison — qu’on l’attribuât à Jeanne de Navarre, qui ne vivait pas du temps de Buridan.

Quant à Marguerite de Bourgogne et à ses sœurs Jeanne et Blanche, elles n’ont pour sauvegarde ni la protection d’une date, ni le verdict de l’histoire. Tout le monde sait, au contraire, que les trois sœurs se livraient à la conduite la plus scandaleuse ; deux d’entre elles avaient pour complices les deux frères, Philippe et Gaultier d’Aulnay ; la tour de Nesle, appartenant alors à la princesse Jeanne, était le lieu de leurs entrevues.

Mais, un jour ; dit Godefroy de Paris,

Tout chant et baudor et leesce
Tornés furent à grand destrèce,
Du cas qui lors en France avint ;
Dont escorcher il en convint,
Deux chevaliers joli et gaie,
Gaultier et Philippe d’Aulnay.

En effet, ces deux jeunes hommes furent tout à coup arrêtés, ainsi que la reine et les princesses, ses sœurs.

Philippe avoua qu’il était l’amant de Marguerite, femme de Louis X, et Gaultier celui de Blanche, comtesse de la Marche.

La confession ainsi faite, dit Godefroy,

L’eure ne fut pas moult retraite
Que donnée fust la sentence ;
Si furent jugiés sans doutance
Les deux chevaliers de leur paire,