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Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/116

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J’eus grand peur que cet événement n’enflât fort le prix de la carte payante, vu l’impression qu’il avait dû procurer sur l’esprit de l’hôte des Quatre Nations, qui nécessairement devait me prendre pour quelque prince constitutionnel déguisé. Heureusement j’avais affaire à un brave homme, qui n’abusa point de ma position, et qui me fit payer à peu près comme paie tout le monde.

Le lendemain matin l’émissaire du buon governo eut la bonté de venir en personne me prévenir que le bateau français le Sully, partant à quatre heures, le roi Charles-Albert verrait avec plaisir que je choisisse la voie de mer au lieu de la voie de terre. Cela s’accordait à merveille avec mes intentions, attendu que par la voie de terre je rencontrais les États du duc de Modène, que je ne me souciais pas de rencontrer ; aussi je fis remercier Sa Majesté de cette nouvelle prévenance, et je donnai à son représentant ma parole qu’à quatre heures moins un quart je serais à bord du Sully. L’émissaire du buon governo me demanda s’il n’y avait rien pour la bonne-main ; je lui donnai vingt sous, et il s’en alla en m’appelant excellence.

Nous allâmes faire un dernier tour dans la strada Balbi, la strada Nuovissima, et la strada Nuova ; Jadin prit une vue de la place des Fontaines amoureuses, puis nous tirâmes notre montre : il n’était que midi. Nous visitâmes alors les palais Balbi et Durazzo, que nous avions oubliés dans notre première tournée, et cela nous fit encore passer deux heures. Puis je me rappelai qu’il y avait, à l’ancien palais des Pères du Commun, une certaine table de bronze antique, contenant une sentence rendue, l’an 693 de la fondation de Rome, par deux jurisconsultes romains, à propos de quelques différends survenus entre les gens de Gênes et de Langasco, et trouvée par un paysan qui piochait la terre dans la Poluvera ; et nous nous rendîmes à l’ancien palais des Pères du Commun : cela nous prit encore une demi-heure. Je copiai le jugement, non pas, Dieu merci ! pour l’offrir à mes lecteurs, mais pour faire quelque chose, car le temps que m’avait accordé le roi Charles-Albert commençait à me paraître long, et cela nous fit gagner encore un quart-d’heure. Enfin, comme il ne nous restait plus qu’une heure un quart pour faire nos paquets