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Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/119

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— Beaucoup, répondis-je.

Puis je ne me souviens plus de rien, si ce n’est que de cinq minutes en cinq minutes j’avalai force liquide, et que cette inglutition dura quatre ou cinq heures ; enfin, moulu, brisé, rompu, je m’endormis à peu près de la même façon dont on doit mourir.

Quand je me réveillai le lendemain, nous étions dans le port de Livourne ; j’avais dévoré trois citrons, bu pour 28 francs de thé, et entendu raconter les trois émigrations au marquis de R…

Je montai sur le pont pour chercher Jadin, et je le trouvai dans un coin, insensible aux caresses de Mylord et aux consolations d’Onésime, tant il était humilié d’avoir rendu les nations étrangères témoins de sa faiblesse.

Quant à moi, je ne pus toucher un citron de six semaines, je ne pus boire du thé de six mois, et je ne pourrai revoir le marquis de R… de ma vie.


LIVOURNE.

J’ai visité bien des ports, j’ai parcouru bien des villes, j’ai eu affaire aux portefaix d’Avignon, aux facchini de Malte, et aux aubergistes de Messine, mais je ne connais pas de coupe-gorge comme Livourne.

Dans tous les autres pays du monde, il y a moyen de défendre son bagage, de faire un prix pour le transporter à l’hôtel, et, si l’on ne tombe pas d’accord, on est libre de le charger sur ses épaules, et de faire sa besogne soi-même. À Livourne, rien de tout cela.

La barque qui vous amène n’a pas encore touché terre qu’elle est envahie ; les commissionnaires pleuvent, vous ne