— C’est vrai, dis-je à Méry ; et le déjeuner ?
— C’est juste, reprit Méry, ce maudit lac de Cuges m’avait fait perdre la tête. Le déjeuner vous attend au château d’If.
— Et comment allons-nous au château d’If ?
— Je ne vous l’ai pas dit ?
— Mais non.
— Diable de lac de Cuges ! c’est encore sa faute : c’est que c’est un lac, mon cher ; parole d’honneur, un vrai lac. Eh bien ! mais vous allez au château d’If dans un charmant bateau qu’un de nos amis vous prête ; un bateau ponté avec lequel on irait aux Indes.
— Et où est-il le bateau ?
— Il vous attend sur le port.
— Eh bien ! allons.
— Non pas ; allez.
— Comment, vous ne venez pas avec nous ?
— Moi, aller en mer, dit Méry ; je n’irais pas sur le lac de Cuges.
— Méry, l’hospitalité exige que vous nous accompagniez.
— Je sais bien que je suis dans mon tort ; mais que voulez-vous ?
— Je veux un dédommagement.
— Lequel ?
— Cent vers sur Marseille pendant que nous irons au château d’If.
— Deux cents si vous voulez.
— C’est convenu.
— Arrêté.
— Songez-y, nous serons de retour dans deux heures.
— Dans deux heures vos cent vers seront faits.
Cette convention conclue, nous nous rendîmes sur le port. À chaque personne que Méry rencontrait :
— Vous savez, disait-il, que Cuges a un lac.
— Pardieu ! répondaient les passans, un lac superbe ; on ne peut pas en trouver le fond.
— Voyez-vous ? répétait Méry.
Sur le quai d’Orléans nous trouvâmes un charmant bateau qui nous attendait.