Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/146

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qui aient pu échapper à mes yeux en se cachant sous l’herbe.

— Il y a encore le lis qui pousse au bord des fontaines et grandit à l’ombre des saules, qui baigne ses pieds dans le ruisseau pour conserver sa fraîcheur, et qui cache sa beauté dans la solitude pour garder sa pureté.

— La signora Gualdrada aurait-elle dans le jardin de son palais quelque chose de pareil à me faire voir ?

— Peut-être, si le seigneur Buondelmonte daignait me faire l’honneur de le visiter.

Buondelmonte jeta la bride de son cheval aux mains de son page et s’élança dans le palais Donati.

La Gualdrada l’attendait au haut de l’escalier ; elle le guida par des corridors obscurs jusqu’à une chambre retirée. Elle ouvrit la porte, souleva la tapisserie, et Buondelmonte aperçut une jeune fille endormie.

Buondelmonte demeura saisi d’admiration : rien d’aussi beau, d’aussi frais et d’aussi pur ne s’était encore offert à sa vue. C’était une de ces têtes blondes si rares en Italie que Raphaël en a fait le type de ses vierges ; c’était un teint si blanc qu’on aurait dit qu’il s’était épanoui au pâle soleil du nord ; c’était une taille si aérienne que Buondelmonte craignait de respirer, de peur que cet ange, en se réveillant, ne remontât au ciel !

La Gualdrada laissa retomber le rideau. Buondelmonte fit un mouvement pour la retenir, elle lui arrêta la main.

— Voici la fiancée que je t’avais gardée, solitaire et pure, lui dit-elle ; mais tu t’es hâté, Buondelmonte, tu as offert ton cœur à une autre. Va ! c’est bien ! va, et sois heureux.

Buondelmonte interdit, gardait le silence.

— Eh bien ! continua la Gualdrada, oublies-tu que la belle Lucrezia t’attend ?

— Ecoute, lui dit Buondelmonte en lui prenant la main, si je renonçais à cette alliance, si je rompais les engagemens pris, si j’offrais d’épouser ta fille, me la donnerais-tu ?…

— Et quelle serait la mère assez vaine ou assez insensée pour refuser l’alliance du seigneur de Monte-Buono !

Alors Buondelmonte leva la portière, s’agenouilla près du lit de la jeune fille, dont il prit la main, et comme la