Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/155

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Les six frères étaient armés comme des chevaliers, c’est-à-dire de jacques de fer, aussi reçurent-ils vigoureusement le choc des Gibelins. Pendant ce temps le père, de la main qui ne tenait pas Arnolfo, sonnait la cloche de ralliement. Les Guelfes reprirent courage, et les cavaliers allemands furent une quatrième fois repoussés. Le vieillard vit revenir à lui quatre de ses fils ; deux s’étaient couchés déjà pour ne plus se relever.

Au même instant, du côté opposé, on entendit pousser de grands cris et on vit la foule s’ouvrir : c’était Farinata des Uberti à la tête des émigrés florentins ; il avait poursuivi la cavalerie guelfe jusqu’à ce qu’il se fût assuré qu’elle ne reviendrait plus au combat, comme fait un loup qui écarte les chiens avant de se jeter sur les moutons.

Le vieillard, qui dominait la mêlée, le reconnut à son panache, à ses armes, et encore plus à ses coups. L’homme et le cheval paraissaient ne faire qu’un, et semblaient un monstre couvert des mêmes écailles. Ce qui tombait sous les coups de l’un était foulé à l’instant sous les pieds de l’autre ; tout s’ouvrait devant eux. Le vieillard fit signe à ses quatre fils, et Farinata vint se heurter contre une muraille de fer ! Aussitôt ces masses se serrèrent autour d’eux et le combat se rétablit.

Farinata était seul parmi les gens de pied qu’il dominait de toute la hauteur de son cheval, car il avait laissé les autres cavaliers gibelins et allemands bien loin derrière lui. Le vieillard pouvait suivre des yeux son épée flamboyante qui se levait et s’abaissait avec la régularité d’un marteau de forgeron ; il pouvait entendre le cri de mort qui suivait chaque coup porté ; deux fois il crut reconnaître la voix de ses fils, cependant il ne cessa point de sonner la cloche, seulement de l’autre main il serrait avec plus de force le bras d’Arnolfo.

Farinata recula enfin, mais comme recule un lion, déchirant et rugissant ; il dirigea sa retraite vers les cavaliers florentins qui chargeaient pour le secourir. Pendant le moment qui s’écoula avant qu’il les rejoignît, le vieillard vit revenir deux de ses fils. Pas une larme ne coula de ses yeux,