LA PERGOLA.
L’hiver, Florence prend un aspect tout particulier ; c’est une ville de bains, moins les eaux. La température se divise en deux phases bien distinctes et presque toujours parfaitement tranchées : ou il fait un soleil magnifique, ou il pleut à torrens. Ce temps couvert, brumeux et humide, qui fait le fond de notre atmosphère trois ou quatre mois de l’année, y est à peu près inconnu.
S’il fait beau, à une heure, toutes les voitures sortent, moins les voitures florentines, dont les maîtres craignent fort les variations hivernales, et se dirigent vers les Cachines. On ne s’aperçoit pas de l’absence des Florentins, car les voitures étrangères suffisent pour défrayer le Longchamps quotidien ; seulement, au lieu de descendre au Pré et à l’ombre, on laisse aux lièvres et aux faisans cette promenade trop froide et trop humide, et l’on descend Longo-l’Arno.
Longo-l’Arno est, comme l’indique son nom, une promenade le long de l’Arno. À gauche, on a le fleuve ; à droite, le rideau de chênes verts, de pins et de lierre, qui sépare cette promenade.
C’est là qu’on vient boire, au lieu d’une eau thermale infecte, ce doux soleil d’Italie, toujours tiède et souriant. Comme le chemin est très étroit, on se coudoie comme dans le passage de l’Opéra ou de la rue de Choiseul ; seulement, la population y est étrangement variée : chaque groupe qui vous croise ou que l’on dépasse parle une langue différente. Là cependant, contre leur habitude, les Anglais ne sont pas en majorité, les Russes l’emportent ; ce qui est une grande consolation pour les Français, qui peuvent se croire encore, en oubliant ce beau soleil et ce magnifique horizon de montagnes tout parsemé de villas, au milieu de la meilleure et de la plus élégante société des Tuileries.