Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/19

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Elle avait des créneaux où la conque marine
Sifflait l’air belliqueux, lorsque la coulevrine,
S’allongeant, envoyait, d’un homicide vol,
Le boulet de Marseille au dévot Espagnol.
Sur cette haute tour, la tour de Sainte-Paule,
Flottait notre drapeau ! Là, le coq de la Gaule !
Et sur l’écu d’argent, si redouté des rois,
L’azur de notre ciel dessinant une croix !…
Elle s’est éboulée ! ô voyageur, approche,
Il te faut aujourd’hui visiter une roche ;
C’est un fort monument qui résiste à la mer
Se rit du feu grégeois et méprise le fer.

Nous n’avons ni palais, ni temples, ni portiques,
Les seuls monts d’alentour sont nos trésors antiques,
Et même, tant Marseille a subi de malheurs,
Ils n’ont plus ni leurs bois, ni leurs vallons de fleurs.
Tourne ta proue, oh t viens, la ville grecque est morte,
Oui, mais Marseille vit ; elle t’ouvre sa porte !
La splendide cité, reine de ces climats,
Cache l’eau de son port sous l’ombre de ses mâts.
Elle est riche : elle peut, à défaut de ruines,
Couvrir de monumens sa plaine et ses collines.
Son nom, que sur le globe elle fait retentir,
Est plus grand que les noms de Sidon et de Tyr.
Elle envoie aujourd’hui les enfans de son môle
Aux feux de la Torride, aux glacières du pôle :
Partout, son pavillon, à l’heure où je t’écris,
L’univers commerçant le salue à grands cris.
Les trésors échangés de sa rive féconde
Illustrent les bazars de Delhy, de Golconde,
De Lahore, d’Alep, de Bagdad, d’Ispahan,
Que la terre couronne et que ceint l’Océan.
Notre voisine sœur, l’Orientale Asie,
Couvre ce port heureux de tant de poésie ;
Les longs quais de ce port, congrès de l’univers,
Sont broyés nuit et jour par tant d’hommes divers,
Qu’un voyageur mêlé dans la foule mouvante,
Marbre aux mille couleurs, mosaïque vivante,