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Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/190

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par une seule et même volonté, la grandeur et la gloire de la patrie. »

Arnolfo di Lapo avait à lutter contre un terrible prédécesseur, qui avait parcouru l’Italie, laissant partout des monumens puissans ou splendides. C’était Buono, sculpteur et architecte, l’un des premiers dont le nom soit prononcé dans l’histoire de l’art. En effet Buono, dès la moitié du douzième siècle, avait bâti à Ravenne force palais et églises, lesquels lui avaient fait une si grande et si noble réputation, qu’il avait été tour à tour appelé à Naples pour y élever le château Capouan et le château de l’œuf ; à Venise, pour y fonder le campanile de Saint-Marc ; à Pistoie, pour y bâtir l’église de Saint-André ; à Arezzo, pour y construire le palais de la Seigneurie ; et à Pise, pour y fonder, de compte à demi avec Bonnanno, cette fameuse tour penchée qui fait encore aujourd’hui la terreur et l’étonnement des voyageurs.

Arnolfo ne s’effraya point du parallèle, et malgré cette envie naturelle à l’humanité qui grandit toujours la réputation des morts pour abaisser celle des vivans, encouragé par le succès que lui avait valu l’exécution de l’église de Sainte Croix qu’il venait d’achever, il se mit hardiment à l’œuvre, et fit un modèle qui réunit si unanimement les suffrages, qu’il fut décidé qu’on le mettrait immédiatement à exécution. En effet, après des travaux préparatoires pour détourner des fondations des sources d’eaux vives auxquelles on attribuait les tremblemens de terre qui avaient secoué plusieurs fois l’ancienne basilique, la première pierre fut posée, en 1298, par le cardinal Valeriano, envoyé exprès par le pape Boniface VIII, le même qui, entré au pontificat comme un renard, devait, dit son biographe, s’y maintenir comme un lion et y mourir comme un chien.

La nouvelle cathédrale commença donc de s’élever, sous la gracieuse invocation de Sainte-Marie-des-Fleurs, nom qu’elle reçut, disent les uns, en souvenir du champ de roses sur lequel Florence fut bâtie, et, disent les autres, en honneur de la fleur de lis dont elle a fait ses armes. Alors on assure que, voyant sortir majestueusement son œuvre du sol, et prévoyant sa future grandeur, Arnolfo s’écria :