et d’arabe, s’était définitivement séparée en deux idiomes, et fixée aux deux côtés de la Loire. Mais, comme les productions du sol, elle avait éprouvé l’influence bienfaisante et active du soleil méridional. Si bien que la langue des Troubadours était déjà arrivée à sa perfection, lorsque celle des Trouvères, en retard comme les fruits de leur terre du nord, avait encore besoin de cinq siècles pour parvenir à sa maturité. Aussi la poésie jouait-elle un grand rôle au sud de la Loire. Pas une haine, pas un amour, pas une paix, pas une guerre, pas une soumission, pas une révolte, qui ne fût chantée en vers. Bourgeois ou soldat, vilain ou baron, noble ou roi, tout le monde parlait ou écrivait cette douce langue ; et l’un de ceux qui lui prêtaient ses plus tendres et ses plus mâles accens, était ce Bertrand de Bora, le donneur de mauvais conseils, que Dante rencontra dans les fosses maudites, portant sa tête à la main, et qui lui parla avec cette tête[1].
La poésie provençale était donc arrivée à son apogée, lorsque Charles d’Anjou, à son retour d’Égypte, où il avait accompagné son frère Louis IX, s’empara, avec l’aide d’Alphonse, comte de Toulouse et de Poitiers, d’Avignon, d’Arles et de Marseille. Cette conquête réunit au royaume de France toutes les provinces de l’ancienne Gaule situées à la droite et à la gauche du Rhône. La vieille civilisation romaine, ravivée au IXe siècle par la conquête des Arabes, fut frappée au cœur, car elle se trouvait réunie à la barbarie septentrionale qui devait l’étouffer dans ses bras de fer. Cet homme, que, dans leur orgueil, les Provençaux avaient l’habitude d’appeler le roi de Paris, à son tour, dans son mépris, les nomma ses sujets de la langue d’Oc, pour les distinguer des anciens Français d’outre-Loire, qui parlaient la langue d’Oui. Dès lors, l’idiome poétique du midi s’éteignit en Languedoc, en Poitou, en Limousin, en Auvergne et en Provence, et la dernière tentative qui fut faite pour lui
- ↑
Sappi ch’i son Bertram del Bornio, quelli
Che diedi al de giovani i ma conforti.Inf. Cant. xxviii.