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Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/214

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laient à grands cris Laurent, lui disant qu’ils répondaient de tout, et que, s’il voulait sortir, ils s’engageaient sur leur tête à le reconduire sain et sauf à la maison.

Mais Laurent n’avait point hâte de se rendre à cette invitation, il craignait que ce ne fût une ruse de ses ennemis pour le faire retomber dans le piège auquel il était échappé. Alors Sismondi della Stuffa monta par l’escalier de l’orgue jusqu’à une fenêtre de laquelle, en plongeant, dans l’église, il vit le Dôme vide, à l’exception de la troupe d’amis qui attendait Laurent à la porte de la sacristie, et du corps de Julien, sur lequel était étendue une femme si pâle et si immobile que n’eussent été ses sanglots on eût pu la prendre pour un second cadavre.

Sismondi della Stuffa descendit et dit à Laurent ce qu’il avait vu ; alors celui-ci reprit courage et sortit. Ses amis l’entourèrent aussitôt, et, comme ils le lui avaient promis, le reconduisirent sain et sauf à son palais de Via Larga.

Cependant, au moment du lever Dieu, les cloches avaient sonné comme d’habitude : c’était le signal attendu par ceux qui s’étaient chargés du palais. En conséquence, au premier tintement du bronze, l’archevêque Salviati entra dans la salle où était le gonfalonnier, donnant pour prétexte qu’il avait quelque chose à communiquer de la part du pape.

Ce gonfalonnier, comme nous l’avons dit, était César Petrucci, c’est-à-dire le même qui, huit ans auparavant, étant podestat de Plate, avait été enveloppé dans une conspiration pareille, par André Nardi. Cette première catastrophe, dont il avait failli être victime, avait laissé dans sa mémoire des traces si profondes que, depuis ce temps, il était sans cesse sur ses gardes. Aussi, quoique aucun bruit de la conjuration n’eût transpiré encore, et quoique aucune nouvelle n’en fût parvenue jusqu’à lui, à peine eut-il aperçu Salviati qui venait à lui avec une émotion visible, qu’au lieu de l’attendre, il s’élança vers la porte où il trouva Jacques Bracciolini qui voulait lui barrer le passage ; mais César Petrucci était, malgré sa prudence, plein de courage et de force. Il saisit Bracciolini aux cheveux, le renversa, et, lui mettant le genou sur la poitrine, il appela ses sergens qui accoururent. Cinq ou six conjurés qui accompagnaient Bracciolini voulu-