Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/23

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république sur son établissement, le propriétaire avait fait peindre un bonnet rouge au dessus de cette enseigne, dont l’inscription se trouvait en outre encadrée entre une hache et un croissant.

La boutique de Coquelin s’ouvrait sur la place du Petit-Mazeau. C’était une espèce de voûte, petite et obscure. Celui qui en passant y jetait un coup d’œil apercevait, à peu de distance du seuil de la porte, une table et une chaise, et devant cette table, et sur cette chaise, un homme à l’œil éteint, aux joues pendantes, occupé à promener les deux branches de ses ciseaux à travers une feuille de carton, à achever une boite, une brouette, une maison, un puits, un arbre, ou bien encore à faire rouler un carrosse attelé de ses chevaux, à faire danser un pantin en le tirant par le fil qui pendait entre ses jambes, ou à habiller et déshabiller une poupée. Au reste, quelle que fût la chose dont il s’occupât, ses mouvemens étaient doux et modérés ; il dirigeait lentement sa main vers le compas ou le pot à colle, prenait, en remuant méthodiquement la tête, le pinceau ou le canif, et sa figure restait constamment animée d’une bienveillante somnolence parfaitement d’accord avec ses juvéniles occupations.

De temps en temps il se levait, entrait dans son arrière-boutique, et là disparaissait aux regards des passans. On entendait alors le bruit d’une roue, des sons clairs et rapides pareils à ceux dont le remouleur modère ou augmente l’activité, selon qu’en se courbant sur sa pierre, il presse ou ralentit le mouvement de son pied. Quelquefois un éclair brillait dans la nuit permanente de cette arrière-boutique. Cet éclair la traversait pour s’éteindre dans une obscurité soudainement interrompue. On aurait cru voir le jet de ce rayon, qu’un enfant, à l’aide d’un verre, dirige sur le nez de son professeur. — Puis l’homme à la figure bonace rouvrait et refermait la porte de son arrière-boutique, revenait s’asseoir sur la chaise, et continuait le cheval de carton interrompu.

Cet homme, c’était Coquelin.

Depuis quelques semaines, une jeune femme s’arrêtait devant la boutique de Coquelin : non pas qu’elle se plût beaucoup à examiner les petits ouvrages que cet homme confec-