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Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/234

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cement, et entra suivi du sbire. Alexandre était couché sur le lit, le visage tourné vers le mur, et probablement à moitié assoupi, car il ne se retourna point au bruit ; si bien que Lorenzo s’avança tout proche de lui, et, tout en lui disant : — Seigneur, dormez-vous ? lui donna un si terrible coup d’épée, que la pointe, qui lui entra d’un côté au-dessous de l’épaule, lui sortit de l’autre au-dessous du sein, lui traversant le diaphragme, et, par conséquent, lui faisant une blessure mortelle.

Mais, quoique frappé mortellement, le duc Alexandre, qui était puissamment fort, s’élança, d’un seul bond, au milieu de la chambre, et allait gagner la porte restée ouverte, lorsque Scoronconcolo, d’un coup du taillant de son épée, lui ouvrit la tempe, et lui abattit presque entièrement la joue gauche. Le duc s’arrêta chancelant, et Lorenzo, profitant de ce moment, le saisit à bras le corps, le repoussa sur le lit, et le renversa en arrière, en pesant sur lui de tout le poids de son corps. En ce moment, Alexandre, qui, comme une bête fauve prise au piège, n’avait encore rien dit, poussa un cri en appelant à l’aide. Aussitôt Lorenzo lui mit la main gauche sur la bouche si violemment, que le pouce et une partie de l’index y entrèrent. Alors, par un mouvement instinctif, Alexandre serra les dents avec tant de force, que les os qu’il broyait craquèrent, et que ce fut Lorenzo, à son tour, qui, vaincu par la douleur, se renversa en arrière en jetant un cri terrible. Aussitôt, quoique perdant son sang par deux blessures, quoique le vomissant par la bouche, Alexandre se rua sur son adversaire, et, le pliant sous lui comme un roseau, il essaya de l’étouffer avec ses deux mains. Alors il y eut un instant terrible ; car le sbire voulait en vain venir au secours de son maître : les deux lutteurs se tenaient tellement enlacés, qu’il ne pouvait frapper l’un sans risquer de frapper l’autre. Il donna bien quelques coups de pointe à travers les jambes de Lorenzo, mais il n’avait rien fait autre chose que percer la robe et la fourrure du duc, sans autrement atteindre son corps. Tout à coup il souvint qu’il avait sur lui un couteau. Alors il jeta sa grande épée, qui lui devenait inutile, et, saisissant le duc dans ses bras, il se mêla à ce groupe informe qui luttait au milieu de la demi-lumière