Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/270

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— La seconde, c’est que vous restituerez, autant que possible, le bien que vous avez mal acquis.

Laurent réfléchit un instant ; puis, après une effort sur lui-même.

— C’est bien, je le restituerai, dit-il.

— Enfin, la troisième, c’est que vous rendrez la liberté à Florence.

— Oh ! pour cela non, dit le mourant ; j’aime mieux être damné.

Tournant alors le dos à Savonarole, Laurent ne prononça plus une seule parole ; il expira le même jour.

Et comme sa mort, dit Machiavel, devait être le signal de grandes calamités, Dieu permit qu’elle fût accompagnée de terribles présages. La foudre tomba sur le Dôme, et Roderic Borgia fut nommé pape.

L’orage prédit par Savonarole s’avançait : Charles VIII apparaissait à l’horizon, marchant vers son royaume de Naples, et menaçant de passer sur Florence, lui et sa colère. Savonarole fut député au devant de l’armée ultramontaine. Le moine demeura fidèle à sa mission, et parla au roi, non en ambassadeur, mais en prophète. Il lui prédit la victoire et les grâces de Dieu s’il rendait la liberté à Florence ; il lui promit les revers et l’inimitié du Seigneur, s’il la laissait sous le joug. Charles VIII ne vit dans Savonarole qu’un bon religieux qui se mêlait de parler politique, c’est-à-dire d’une chose qu’il ne comprenait pas. Il passa à travers Florence sans faire attention à ses paroles, et ne quitta la ville révoltée qu’après avoir exigé de la seigneurie la levée du séquestre placé sur les biens des Médicis, et l’annulation du décret qui mettait leur tête à prix.

Moins d’un an après, la nouvelle prédiction de Savonarole était encore accomplie. Les succès s’étaient changés en revers, et Charles VIII, l’épée à la main, était forcé de se rouvrir, par la bataille du Taro, un chemin sanglant vers la France.

Tout jusque là secondait Savonarole, et les événemens semblaient aux ordres de son génie. Aussi son influence dans la république était-elle, après la chute de Pierre de Médicis,