Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/28

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de votre travail, eh bien ! dites-lui, la première fois que vous irez, dites-lui qu’une pauvre femme bien malheureuse le supplie au nom du ciel de lui conserver son mari… Dites lui bien qu’il n’a rien fait, mon pauvre Charles, le père de ma petite Louise ; dites-lui qu’il n’a jamais conspiré, que c’est un bon patriote qui aime la république. Si vous saviez comme il m’aime !… si vous saviez comme il aime son enfant… Il faut que je vous dise que tous les jours je le vois ; à cinq heures, il passe devant une petite fenêtre grillée et me fait un signe ; aussi, tous les jours à cinq heures, nous allons attendre ce signe devant la fenêtre. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour voir le citoyen Brutus, mais on ne m’a pas laissé arriver jusqu’à lui. Cependant je l’aurais tant prié, tant supplié, qu’il m’aurait donné la vie de mon mari, j’en suis sûre. Mais c’est le bon Dieu qui m’a conduite ici, et puisque vous connaissez le citoyen Brutus, on ne tuera pas mon Charles. Louise ! mon enfant ! s’écria la pauvre mère toute éperdue, on veut tuer ton père, prie avec moi le citoyen Coquelin pour qu’on ne le tue pas !

Louise se mit à pleurer en criant :

— Je ne veux pas que papa meure, monsieur Coquelin ; ne tuez pas papa.

La figure de Coquelin devint livide de pâleur.

— N’écoutez pas ce que dit cette enfant, s’écria la mère : elle ne sait ce qu’elle dit, mon bon monsieur Coquelin.

Et elle voulut prendre les mains rugueuses du faiseur de joujoux, qui les retira vivement.

— Citoyenne, ne touchez pas à mes mains, lui dit-il avec une sorte d’effroi.

La pauvre femme se recula, elle ne comprenait pas le mouvement de Coquelin. Il y eut un instant de silence.

— Vous dites donc, reprit Coquelin, que la vie de votre mari dépend du citoyen Brutus ?

— De lui seul ! s’écria la jeune femme.

— C’est qu’il est bien dur, le citoyen Brutus ! continua Coquelin en secouant la tête. Bien dur, bien dur. — et il poussa un soupir.

— Me refusez-vous votre protection ? demanda avec timidité la jeune femme en joignant les mains.