Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/124

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petit rire gascon plein de contentement de lui-même, et dernièrement encore…

Un regard d’Athos lui ferma la bouche.

— Je veux que vous sachiez, Raoul, reprit Athos, vous qui vous croyez une fine épée et dont la vanité pourrait souffrir un jour quelque cruelle déception ; je veux que vous sachiez combien est dangereux l’homme qui unit le sang-froid à l’agilité, car jamais je ne pourrais vous en offrir un plus frappant exemple : priez demain monsieur d’Artagnan, s’il n’est pas trop fatigué, de vouloir bien vous donner une leçon.

— Peste ! mon cher Athos, vous êtes cependant un bon maître, surtout sous le rapport des qualités que vous vantez en moi. Tenez aujourd’hui encore, Planchet me parlait de ce fameux duel de l’enclos des Carmes, avec lord de Winter et ses compagnons… Ah ! jeune homme, continua d’Artagnan, il doit y avoir ici quelque part une épée que j’ai souvent appelée la première du royaume.

— Oh ! j’aurai gâté ma main avec cet enfant, dit Athos.

— Il y a des mains qui ne se gâtent jamais, mon cher Athos, dit d’Artagnan, mais qui gâtent beaucoup les autres.

Le jeune homme eût voulu prolonger cette conversation toute la nuit ; mais Athos lui fit observer que leur hôte devait être fatigué et avait besoin de repos. D’Artagnan s’en défendit par politesse, mais Athos insista pour que d’Artagnan prît possession de sa chambre. Raoul y conduisit l’hôte du logis, et, comme Athos pensa qu’il resterait le plus tard possible près de d’Artagnan pour lui faire dire toutes les vaillantises de leur jeune temps, il vint le chercher lui-même un instant après, et ferma cette bonne soirée par une poignée de main bien amicale et un souhait de bonne nuit au mousquetaire.