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Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/217

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quoique son épée eût été détournée, il l’envoya du choc rouler à dix pas de son cheval.

— Achève, Mousqueton, achève, dit Porthos.

Et il s’élança en avant aux côtés de son ami, qui avait déjà repris sa poursuite.

— Eh bien ? dit Porthos.

— Je lui ai cassé la tête, dit d’Artagnan ; et vous ?

— Je l’ai renversé seulement ; mais tenez…

On entendit un coup de carabine : c’était Mousqueton qui, en passant, exécutait l’ordre de son maître.

— Sus ! sus ! dit d’Artagnan ; cela va bien et nous avons la première manche !

— Ah ! ah ! dit Porthos, voilà d’autres joueurs.

En effet, deux autres cavaliers apparaissaient, détachés du groupe principal, et s’avançaient rapidement pour barrer de nouveau la route.

Cette fois, d’Artagnan n’attendit pas même qu’on lui adressât la parole.

— Place ! cria-t-il le premier : place !

— Que voulez-vous ? dit une voix.

— Le duc  ! hurlèrent à la fois Porthos et d’Artagnan.

Un éclat de rire répondit, mais il s’acheva dans un gémissement : d’Artagnan avait percé le rieur de part en part avec son épée.

En même temps deux détonations ne faisaient qu’un seul coup : c’étaient Porthos et son adversaire qui tiraient l’un sur l’autre.

D’Artagnan se retourna et vit Porthos près de lui.

— Bravo, Porthos ! dit-il, vous l’avez tué, ce me semble ?

— Je crois que je n’ai touché que le cheval, dit Porthos.

— Que voulez-vous, mon cher ? on ne fait pas mouche à tout coup, et il ne faut pas se plaindre quand on met dans la carte. Hé ! parbleu ! qu’a donc mon cheval ?

— Votre cheval a qu’il s’abat, dit Porthos en arrêtant le sien.

En effet, le cheval de d’Artagnan butait et tombait sur les genoux, puis il poussa un râle et se coucha.

Il avait reçu dans le poitrail la balle du premier adversaire de d’Artagnan.

D’Artagnan poussa un juron à faire éclater le ciel.

— Monsieur veut-il un cheval ? dit Mousqueton.

— Pardieu ! si j’en veux un ! cria d’Artagnan.

— Voici, dit Mousqueton.

— Comment diable as-tu deux chevaux de main ? dit d’Artagnan en sautant sur l’un d’eux.

— Leurs maîtres sont morts, j’ai pensé qu’ils pouvaient nous être utiles, et je les ai pris.

Pendant ce temps Porthos avait rechargé son pistolet.

— Alerte ! dit d’Artagnan, en voilà deux autres.

— Ah çà mais ! il y en aura donc jusqu’à demain ! dit Porthos.

En effet, deux autres cavaliers s’avançaient rapidement.

— Eh ! monsieur, dit Mousqueton, celui que vous avez renversé se relève.

— Pourquoi n’en as-tu pas fait autant que du premier ?

— J’étais embarrassé, monsieur, je tenais les chevaux.

Un coup de feu partit ; Mousqueton jeta un cri de douleur.

— Ah ! monsieur, cria-t-il, dans l’autre ! juste dans l’autre ! Ce coup-là fera le pendant de celui de la route d’Amiens.

Porthos se retourna comme un lion, fondit sur le cavalier démonté, qui essaya de tirer son épée, mais avant qu’elle fût hors du fourreau, Porthos, du pommeau de la sienne, lui avait porté un si terrible coup sur la tête qu’il était tombé