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Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/253

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épée de son fourreau ni tirer le pistolet de ses fontes ; il vit la crosse tournoyer au-dessus de sa tête, et, malgré lui, il allait fermer les yeux, lorsque d’un bond Guiche arriva sur l’Espagnol et lui mit le pistolet sur la gorge.

— Rendez-vous, lui dit-il, ou vous êtes mort.

Le mousquet tomba des mains du soldat, qui se rendit à l’instant même. Guiche appela un de ses laquais, lui remit le prisonnier en garde, avec ordre de lui brûler la cervelle s’il faisait un mouvement pour s’échapper, sauta à bas de son cheval et s’approcha de Raoul.

— Ma foi, monsieur, dit Raoul en riant, quoique sa pâleur trahît l’émotion inévitable d’une première affaire, vous payez vite vos dettes, et n’avez pas voulu m’avoir longue obligation. Sans vous, ajouta-t-il en répétant les paroles du comte, j’étais mort, trois fois mort. — Mon ennemi en prenant la fuite, dit de Guiche, m’a laissé toute facilité de venir à votre secours ; mais êtes-vous blessé gravement ? je vous vois tout ensanglanté. — Je crois, dit Raoul, que j’ai quelque chose comme une égratignure au bras. Aidez-moi donc à me tirer de dessous mon cheval, et rien, je l’espère, ne s’opposera à ce que nous continuions notre route.

M. d’Arminges et Olivain étaient déjà à terre et soulevaient le cheval, qui se débattait dans l’agonie. Raoul parvint à tirer son pied de l’étrier et sa jambe de dessous le cheval, et en un instant il se trouva debout.

— Rien de cassé ? dit de Guiche. — Ma foi, non, grâce au ciel, répondit Raoul. — Mais que sont devenus les malheureux que les misérables assassinaient ? — Nous sommes arrivés trop tard, ils les ont tués, je crois, et ont pris la fuite en emportant leur butin ; mes deux laquais sont près des cadavres. — Allons voir s’ils ne sont point tout à fait morts et si on peut leur porter secours, dit Raoul. Olivain, nous avons hérité de deux chevaux, mais j’ai perdu le mien ; prenez le meilleur des deux pour vous, et vous me donnerez le vôtre.

Et ils s’approchèrent de l’endroit où gisaient les victimes.