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Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/481

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— Je crois que nous sommes pris, dit tout bas d’Artagnan à ses amis.

— Pas encore, dit Porthos.

— Colonel, colonel ! dit Mordaunt, faites entourer cette chambre, vous êtes trahis. Ces quatre Français se sont sauvés de Newcastle et veulent sans doute enlever le roi. Qu’on les arrête.

— Oh ! jeune homme, dit d’Artagnan en tirant son épée, voici un ordre plus facile à dire qu’à exécuter.

Puis, décrivant autour de lui un moulinet terrible :

— En retraite, amis, cria-t-il, en retraite !

En même temps il s’élança vers la porte, renversa deux des soldats qui la gardaient avant qu’ils eussent eu le temps d’armer leurs mousquets ; Athos et Aramis le suivirent ; Porthos fit l’arrière-garde, et avant que soldats, officiers, colonel, eussent eu le temps de se reconnaître, ils étaient tous quatre dans la rue.

— Feu ! cria Mordaunt, feu sur eux !

Deux ou trois coups de mousquet partirent effectivement, mais n’eurent d’autre effet que de montrer les quatre fugitifs tournant sains et saufs l’angle de la rue.

Les chevaux étaient à l’endroit désigné, les valets n’eurent qu’à jeter la bride à leurs maîtres, qui se trouvèrent en selle avec la légèreté de cavaliers consommés.

— En avant ! dit d’Artagnan, et de l’éperon, ferme !

Ils coururent ainsi suivant d’Artagnan et reprenant la route qu’ils avaient déjà faite dans la journée, c’est-à-dire se dirigeant vers l’Écosse. Le bourg n’avait ni portes ni murailles, ils en sortirent donc sans difficulté… À cinquante pas de la dernière maison, d’Artagnan s’arrêta.

— Halte ! dit-il.

— Comment, halte ! s’écria Porthos. Ventre à terre, vous voulez dire.

— Pas du tout, répondit d’Artagnan. Cette fois-ci on va nous poursuivre, laissons-les sortir du bourg et courir après nous sur la route d’Écosse, et quand nous les aurons vus passer au galop, suivons la route opposée.

À quelques pas de là passait un ruisseau, un pont était jeté sur le ruisseau ; d’Artagnan conduisit son cheval sous l’arche de ce pont, ses amis le suivirent. Ils n’y étaient pas depuis dix minutes, qu’ils entendirent approcher le galop rapide d’une troupe de cavaliers. Cinq minutes après, cette troupe passait sur leur tête, bien éloignés de penser que ceux qu’ils cherchaient n’étaient séparés d’eux que de l’épaisseur de la voûte du pont.