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Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/508

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alla à lui, lui prit la main et l’embrassa. — Allons, ami, dit-il avec un doux et triste sourire, du courage.

Puis se retournant vers le commissaire : — Monsieur, dit-il, je suis prêt. Vous le voyez, je ne désire que deux choses qui ne vous retarderont pas beaucoup, je crois. La première, de communier ; la seconde, d’embrasser mes enfants et de leur dire adieu pour la dernière fois. Cela me sera-t-il permis ?

— Oui, sire, répondit le commissaire du parlement.

Et il sortit… Aramis, rappelé à lui, s’enfonçait les ongles dans la chair ; un immense gémissement sortit de sa poitrine.

— Oh ! monseigneur, s’écria-t-il en saisissant les mains de Juxon, où est Dieu ? où est Dieu ? — Mon fils, dit avec fermeté l’évêque, vous ne le voyez point parce que les passions de la terre le cachent. — Mon enfant, dit le roi à Aramis, ne te désole pas ainsi. Tu demandes ce que fait Dieu ? Dieu regarde ton dévoûment et mon martyre, et, crois-moi, l’un et l’autre auront leur récompense ; prends-t’en donc de ce qui arrive aux hommes et non à Dieu. Ce sont les hommes qui me font mourir, ce sont les hommes qui te font pleurer. — Oui, sire, dit Aramis, oui, vous avez raison ; c’est aux hommes qu’il faut que je m’en prenne, et c’est à eux que je m’en prendrai.

— Asseyez-vous, Juxon, dit le roi en tombant à genoux, car il vous reste à m’entendre, et il me reste à me confesser. Restez, monsieur, dit-il à Aramis qui faisait un mouvement pour se retirer ; restez, Parry, je n’ai rien à dire, même dans le secret de la pénitence, qui ne puisse se dire en face de tous ; restez, et je n’ai qu’un regret, c’est que le monde entier ne puisse pas m’entendre comme vous et avec vous.

Juxon s’assit, et le roi, agenouillé devant lui comme le plus humble des fidèles, commença sa confession.