Aller au contenu

Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/516

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE LXXXII.

L’HOMME MASQUÉ.


lettrine Quoiqu’il ne fût que quatre heures du soir, il faisait nuit close ; la neige tombait épaisse et glacée. Aramis rentra à son tour et trouva Athos, sinon sans connaissance, du moins anéanti… Aux premiers mots de son ami, le comte sortit de l’espèce de léthargie où il était tombé.

— Eh bien ! dit Aramis, vaincus par la fatalité ! — Vaincus ! dit Athos. Noble et malheureux roi ! — Êtes-vous donc blessé ? demanda Aramis. — Non, ce sang est le sien.

Le comte s’essuya le front.

— Où étiez-vous donc ? — Où vous m’aviez laissé : sous l’échafaud. — Et vous avez tout vu ? — Non, mais tout entendu ; Dieu me garde d’une autre heure pareille à celle que je viens de passer ! N’ai-je point les cheveux blancs ? — Alors vous savez que je ne l’ai point quitté ? — J’ai entendu votre voix jusqu’au dernier moment. — Voici la plaque qu’il m’a donnée, dit Aramis, voici la croix que j’ai retirée de sa main ; il désirait qu’elles fussent remises à la reine. — Et voilà un mouchoir pour les envelopper, dit Athos.

Et il tira de sa poche le mouchoir qu’il avait trempé dans le sang du roi.

— Maintenant, demanda Athos, qu’a-t-on fait de ce pauvre cadavre ? — Par ordre de Cromwell les honneurs royaux lui seront rendus. Nous avons placé le corps dans un cercueil de plomb ; les médecins s’occupent d’embaumer ces malheureux restes, et, leur œuvre finie, le roi sera déposé dans une chapelle ardente. — Dérision ! murmura sombrement Athos ; des honneurs royaux à celui qu’ils ont assassiné ! — Cela prouve, dit Aramis, que le roi meurt, mais que la royauté ne meurt pas. — Hélas ! dit Athos, c’est peut-être le dernier roi chevalier qu’aura le monde. — Allons, ne vous désolez pas, comte, dit une grosse voix dans l’escalier, où retentissaient les larges pas de Porthos, nous sommes