Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/630

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merveille, et que vous m’avez vu triste, mais résigné. — Vous me plaisez, monsieur, en disant cela. — Vous direz la même chose pour M. du Vallon. — Pour moi ? non pas ! s’écria Porthos. Moi, je ne suis pas résigné du tout. — Mais vous vous résignerez, mon ami. — Jamais ! — Il se résignera, monsieur de Comminges. Je le connais mieux qu’il ne se connaît lui-même, et je lui sais mille excellentes qualités qu’il ne se soupçonne même pas. Taisez-vous, cher du Vallon, et résignez-vous. — Adieu, messieurs, dit Comminges. Bonne nuit ! — Nous y tâcherons.

Comminges salua et sortit. D’Artagnan le suivit des yeux dans la même posture humble et avec le même visage résigné. Mais à peine la porte fut-elle refermée sur le capitaine des gardes, que s’élançant vers Porthos, il le serra dans ses bras avec une expression de joie sur laquelle il n’y avait pas à se tromper.

— Oh ! oh ! dit Porthos, qu’y a-t-il donc ? Est-ce que vous devenez fou, mon pauvre ami ? — Il y a, dit d’Artagnan, que nous sommes sauvés ! — Je ne vois pas cela le moins du monde, dit Porthos ; je vois au contraire, que nous sommes tous pris, à l’exception d’Aramis, et que nos chances de sortir sont diminuées depuis qu’un de plus est entré dans la souricière de M. de Mazarin. — Pas du tout, Porthos, mon ami ; cette souricière était suffisante pour deux, elle devient trop faible pour trois. — Je ne comprends pas du tout, dit Porthos. — Inutile, dit d’Artagnan, mettons-nous à table et prenons des forces, nous en aurons besoin pour la nuit. — Que ferons-nous donc cette nuit ? demanda Porthos de plus en plus intrigué. — Nous voyagerons probablement. — Mais… — Mettons-nous à table, mon cher ami, les idées me viennent en mangeant. Après le souper, quand mes idées seront au grand complet, je vous les communiquerai.

Quelque désir qu’eût Porthos d’être mis au courant du projet de d’Artagnan, comme il connaissait les façons de faire de ce dernier, il se mit à table sans insister davantage, et mangea avec un appétit qui faisait honneur à la confiance que lui inspirait l’imaginative de d’Artagnan.