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IX


mense Méphistophélès des Marguerites errantes, des Clarisses perdues, de toutes ces divinités, filles du hasard, qui s’en vont dans la vie, à l’abandon.

Elle s’ennuyait donc, cette pécheresse, entourée des adorations et des hommages de la jeunesse, et cet ennui même doit lui servir de pardon et d’excuse, puisqu’il a été le châtiment de ses prospérités passagères. L’ennui a été le grand mal de sa vie. À force d’avoir vu ses affections brisées, à force d’obéir à la nécessité de ces liaisons éphémères et de passer d’un amour à un autre amour, sans savoir, hélas ! pourquoi donc elle étouffait si vite ce penchant qui commençait à naître et ces tendresses à leur aurore ? elle était devenue indifférente à toutes choses, oubliant l’amour d’hier et ne songeant guère plus à l’amour d’aujourd’hui qu’à la passion de demain.

L’infortunée ! elle avait besoin de solitude…, elle se voyait obsédée. Elle avait besoin de silence…, elle entendait sans fin et sans cesse les mêmes paroles à son oreille lassée ! Elle voulait être calme !… on la traînait dans les fêtes et dans les tumultes. Elle eût voulu être aimée !… on lui disait qu’elle était belle ! Aussi s’abandonnait-elle, sans résistance, à ce tourbillon qui la dévorait ! Quelle jeunesse !… et comme on comprend cette parole de Mlle de Lenclos,