Page:Dumas fils - La Dame aux camélias, 1852.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sur le jardin, et regardant l’été s’abattre joyeusement dans les fleurs qu’il fait éclore et sous l’ombre des arbres ; nous respirions à côté l’un de l’autre cette vie véritable que ni Marguerite ni moi nous n’avions comprise jusqu’alors.

Cette femme avait des étonnements d’enfant pour les moindres choses. Il y avait des jours où elle courait dans le jardin, comme une fille de dix ans, après un papillon ou une demoiselle. Cette courtisane, qui avait fait dépenser en bouquets plus d’argent qu’il n’en faudrait pour faire vivre dans la joie une famille entière, s’asseyait quelquefois sur la pelouse, pendant une heure, pour examiner la simple fleur dont elle portait le nom.

Ce fut pendant ce temps-là qu’elle lut si souvent Manon Lescaut. Je la surpris bien des fois annotant ce livre ; et elle me disait toujours que lorsqu’une femme aime, elle ne peut pas faire ce que faisait Manon.

Deux ou trois fois le duc lui écrivit. Elle reconnut l’écriture et me donna les lettres sans les lire.

Quelquefois les termes de ces lettres me faisaient venir les larmes aux yeux.

Il avait cru, en fermant sa bourse à Marguerite, la ramener à lui ; mais quand il avait vu l’inutilité