Page:Dumas fils - La Dame aux camélias, 1852.djvu/324

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L’inquiétude resserrait peu à peu son cercle et m’étreignait la tête et le cœur. Peut-être lui était-il arrivé quelque chose ? Peut-être était-elle blessée, malade, morte ! Peut-être allais-je voir arriver un messager m’annonçant quelque douloureux accident ! Peut-être le jour me trouverait-il dans la même incertitude et dans les mêmes craintes.

L’idée que Marguerite me trompait à l’heure où je l’attendais au milieu des terreurs que me causait son absence ne me revenait plus à l’esprit. Il fallait une cause indépendante de sa volonté pour la retenir loin de moi, et plus j’y songeais, plus j’étais convaincu que cette cause ne pouvait être qu’un malheur quelconque. O vanité de l’homme ! tu te représentes sous toutes les formes.

Une heure venait de sonner. Je me dis que j’allais attendre une heure encore, mais qu’à deux heures, si Marguerite n’était pas revenue, je partirais pour Paris.

En attendant, je cherchai un livre, car je n’osais penser.

Manon Lescaut était ouvert sur la table. Il me sembla que d’endroits en endroits les pages étaient mouillées comme par des larmes. Après l’avoir feuilleté, je refermai ce livre dont les caractères m’apparaissaient