Page:Dumas fils - La Dame aux camélias, 1852.djvu/334

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se rompe sans briser en même temps tous les autres ressorts de la vie.

J’étais donc forcé de temps en temps de relire la lettre de Marguerite, pour bien me convaincre que je n’avais pas rêvé.

Mon corps, succombant sous la secousse morale, était incapable d’un mouvement. L’inquiétude, la marche de la nuit, la nouvelle du matin m’avaient épuisé. Mon père profita de cette prostration totale de mes forces pour me demander la promesse formelle de partir avec lui.

Je promis tout ce qu’il voulut. J’étais incapable de soutenir une discussion, et j’avais besoin d’une affection réelle pour m’aider à vivre après ce qui venait de se passer.

J’étais trop heureux que mon père voulût bien me consoler d’un pareil chagrin.

Tout ce que je me rappelle, c’est que ce jour-là, vers cinq heures, il me fit monter avec lui dans une chaise de poste. Sans rien me dire, il avait fait préparer mes malles, les avait fait attacher avec les siennes derrière la voiture, et il m’emmenait.

Je ne sentis ce que je faisais que lorsque la ville eut, disparu, et que la solitude de la route me rappela le vide de mon cœur.