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Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/32

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a réussi, l’entreprise est bonne, elle est sûre même, ayant pour base un capital éternel, inépuisable : l’oisiveté, l’orgueil, la vanité, la sottise, la passion, le vice de l’homme.

Il est telle de ces dames à qui quelques années de patience et de sang-froid ont donné un ou deux millions placés en bonnes valeurs, actions de la Banque, terrains, obligations garanties par l’État. Elles ne sont même plus prodigues. Un beau jour, elles se séparent du luxe qui n’était pour elles qu’une mise en scène ou une mise en train, et, comme le comédien qui se retire du théâtre, elles vendent leurs oripeaux devenus inutiles. Nous voyons alors passer sur la table du commissaire-priseur des colliers de perles et des rivières de diamants qu’une fortune princière peut seule acquérir. Nous pourrions nommer de ces femmes, dont la fortune réalisable monte à quinze ou vingt millions. Avouez que voilà un exemple tentant et que l’honnête fille qui n’a pour dot que sa jeunesse et son innocence, et qui ne trouve ni appui ni alliance dans le monde qui l’entoure, peut bien avoir envie de suivre cet exemple, de jeter la pudeur aux orties, et de prendre une action dans cette loterie dont presque tous les numéros gagnent.

Ces fortunes acquises rapidement, malhonnêtement, mais régulièrement placées, que deviennent-elles ? Ces dames ne les donnent pas à des établissements de bienfaisance.

Ou elles s’en servent pour acheter un mari quelconque, ou elles l’augmentent par des opérations heureuses que leurs amis leur conseillent, et dont bénéficient parfois leurs amants ; l’argent, quelle que soit son origine, trouvant toujours quelqu’un pour l’utiliser. Ce capital immense ne peut rester inactif. Des entreprises viennent au-devant de lui pour en canaliser le cours et féconder des intelligences impuissantes et stériles faute de pluie. Tous les fumiers sont bons pour féconder la terre. La Danaé se fait Jupiter à son tour, et voilà l’argent du vice pénétrant dans l’industrie, dans le commerce, dans les