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Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/34

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du meilleur monde, épouser les femmes qui les avaient ruinés, pour rentrer dans leur argent, des négociants fonder de grandes industries renommées et prospères, bénites par le clergé, avec ces dots étranges ? Ne vous rappelez-vous pas ce procès d’hier où l’on eut le spectacle d’un jeune grand seigneur qui avait consenti, moyennant une somme de…, à donner son nom au fils d’une de ces demoiselles qui faisait ce sacrifice pour que ce fils eût enfin un père.

Donc, en l’an deux mille, « date qu’on peut débattre », comme disait Béranger, si les choses continuent, la prostitution par l’héritage, par les habitudes, par l’exemple, par l’intérêt, par l’indifférence, et parce qu’elle apportera l’argent avec elle, aura pénétré fatalement dans toutes les familles. Le mal ne sera plus aigu, il sera constitutionnel. Il aura passé dans le sang de la France.

Pour empêcher le mal, quel moyen ont trouvé les femmes, les mères, les pères et les jeunes filles ? Jadis les hommes disaient, quand on leur proposait une jeune fille : « Combien a-t-elle ? » Aujourd’hui, les jeunes filles et leurs parents, quand on leur parle d’un mari, disent : « Combien a-t-il ? » Qu’il soit noble ou roturier, spirituel ou sot, laid ou beau, jeune ou vieux, peu importe. Qu’il soit riche, voilà la grande affaire. Ces vierges savent ce que coûte une maison. Notre confrère Léon Laya a touché gaiement et finement à ce vice moderne, dans le Duc Job, et le public a compris. Il y a sept ou huit ans de cela. Quel progrès depuis lors !

Eh bien, qu’on fasse le nœud avec l’écharpe du maire ou avec la ceinture de Vénus, quand il n’entre plus que de l’argent dans le rapprochement de l’homme et de la femme, il y a trafic, et ce trafic-là, mesdemoiselles, c’est de la belle et bonne prostitution, plus chère que l’autre, parce que le Code la garantit, que la famille la consacre et que le nom de l’acquéreur la couvre. Restez-vous fidèles, au moins au nom que vous avez reçu, au contrat que vous avez signé, à l’affaire que vous avez faite ? Je