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Marguerite.

Laquelle ?

Armand.

Celle de vous soigner.

Marguerite.

Me soigner ! Est-ce que c’est possible ?

Armand.

Pourquoi pas ?

Marguerite.

Mais, si je me soignais, je mourrais, mon cher. Ce qui me soutient, c’est la vie fiévreuse que je mène. Puis, se soigner, c’est bon pour les femmes du monde qui ont une famille et des amis ; mais nous, dès que nous ne pouvons plus servir au plaisir ou à la vanité de personne, on nous abandonne, et les longues soirées succèdent aux longs jours ; je le sais bien, allez ; j’ai été deux mois dans mon lit : au bout de trois semaines, personne ne venait plus me voir.

Armand.

Il est vrai que je ne vous suis rien, mais, si vous le vouliez, Marguerite, je vous soignerais comme un frère, je ne vous quitterais pas et je vous guérirais. Alors, quand vous en auriez la force, vous reprendriez la vie que vous menez, si bon vous semble ; mais, j’en suis sûr, vous aimeriez mieux alors une existence tranquille.

Marguerite.

Vous avez le vin triste.

Armand.

Vous n’avez donc pas de cœur, Marguerite ?

Marguerite.

Le cœur ! C’est la seule chose qui fasse faire naufrage dans la traversée que je fais. (Un temps.) C’est donc sérieux ?