Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/109

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— Tu parles comme un homme, Jean, un homme qui voudrait que les filles restent chastes, afin d’en profiter le premier. C’est le plus masculin des sentiments. Mais ne comprends-tu pas…

Sa voix s’élevait argument.

— Ne comprends-tu pas que si les filles se donnent avant vingt ans, c’est pour être bien assurées de le faire à celui qu’elles ont préféré ?

Jean resta bouche bée.

— Oui, bien sûr ! l’homme ne voit la femme que comme un objet à soi réservé ou à un autre semblable, un… complice.

« Alors, qu’elle dispose d’elle-même sans son autorisation lui semble un vrai scandale. À ses yeux, il y a quelqu’un de lésé. Et il se juge le fondé de pouvoir de ce quelqu’un. »

Elle dévisageait son cousin avec insolence.

— Mais le rôle de la femme est de prouver qu’elle est maîtresse de soi. Voilà pourquoi elle prouve cette maîtrise en disposant de son corps. L’éducation des filles qui vivent dans la vie au lieu de rester à faire de la tapisserie chez leurs parents, leur connaissance des secrets par lesquels les hommes cherchent à les surprendre, éduquent en réalité le désir de la sélection. As-tu remarqué, Jean, que la fille reste généralement amoureuse toute sa vie de celui qu’elle eut pour premier amant ?