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Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/156

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qui prit la charge de son père à la Révolution. À ce moment les deux frères devinrent férocement ennemis. Marcellin était royaliste et Irénée jacobin. C’est en Prairial an II qu’un commissaire envoyé de la Convention passa dans la ville et fit guillotiner Marcellin Dué.

« La petite dont nous parlons, qui se nomme, je crois, Lucienne, descend de Marcellin et de la fille mise au couvent, mais évadée, qui ne fut d’ailleurs jamais la femme légitime de Marcellin. »

Jean sentit une sourde émotion naître et croître en lui. Il le devinait à travers les détails historiques donnés par son père : Lucienne était la petite-fille de celui que son propre frère avait poussé sous le couteau. Et ce frère assassin c’était son ancêtre à lui, Jean Dué…

Ainsi leur affection devenait peut-être la réparation d’un passé sanglant. Et entre cet aïeul voleur et cet autre fratricide, qui donc pouvait cultiver l’orgueil des temps disparus ?

Il murmura, la voix blanche :

— Quels drames recèle le passé des familles !

— Pas une n’y échappe, dit froidement son père. Cette enfant dont nous parlons est fille d’un menuisier ivrogne, d’ailleurs inoffensif, et d’une femme redoutable qui se nomme aussi Dué. Son père était garde chez les la Nottière.