Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/194

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envers sa cousine aucun sentiment affectueux en ce moment… Il ferma enfin avec lenteur puis descendit l’escalier. En bas il poussa un soupir soulagé, traversa la cour et vint à la porte familière par où sortait la servante et passaient les fournisseurs. Il fut un temps infini à introduire la clef dans la serrure. Debout dans la venelle il écouta un instant la nuit. Le silence absolu l’entourait d’une sorte d’ombre spirituelle. Il se mit alors en marche, hâtivement. Il était si occupé à éviter les lieux où la lumière pouvait le faire reconnaître, et ceux où quelque passant l’eût croisé et deviné, qu’il en oubliait Lucienne. Au fond, il se reprochait crûment tant de précautions puisque ses actes restaient en fait sains, purs et moraux.

Il marcha longtemps par les voies les plus méprisées, datant sans nul doute de six ou sept siècles. Enfin, les maisons s’espacèrent autour de lui. Il côtoya des murs de jardins muets, puis des cultures bordées de palissades. Au bout d’une demi-heure il fut en pleine campagne, dans la forte odeur de terre et de végétaux. La lune apparaissait au nord-est. On la voyait poindre au-dessus des arbres. L’air était tiède et doux. Des maisons rares et basses s’entrevoyaient çà et là dans la solitude sombre et vaporeuse. Très loin un chien hurlait par moments. Des hauts peupliers dessinaient de