Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans le jour, ce coin de campagne était déjà bucolique. Mais la nuit, et sous la lune, cette verdure étendue comme un tapis de cérémonie, ces arbres d’un noir magnifique et doux, cet horizon découpé et délicat, à travers un air plus fluide, eût-on dit, donnaient à toutes choses un agrément infini, une poésie de tendre et émouvante finesse, une voluptueuse et chaste beauté.

À mesure que Jean avançait, la lune montante dessinait mieux le ténébreux paysage. Entre les masses arborescentes, la campagne faisait maintenant de larges taches d’un vert sourd et rabattu de grisaille. Le ciel devenait d’une couleur inconnue, vert liquide autour de l’astre, lui-même pareil à un morceau d’étain reflétant du velours rouge, et dégradé jusqu’à certain bleu épais et profond, où les étoiles, piquées comme des épingles, jetaient de petits jours minuscules et tremblotants.

Il s’arrêta un instant :

— Est-ce beau, tout cela est-ce beau ?

Il mêlait Lucienne à son émotion et se sentait ensemble envie de jouir et de pleurer.

Soudain il entendit au fond de sa conscience une sorte de voix qui disait :

« Tu trouves cela beau parce que tu portes en toi du malheur… »

Il retourna cette idée redoutable qui lui