Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

visage était dans l’ombre et elle suivait avec curiosité sur le masque tendu de son cousin les manifestations de son anxiété et de ses désirs. Elle-même cultivait dans son excitation érotique une confuse admiration pour Jean. Elle pressentait bien maintenant que ce ne fût point par timidité exclusive, par honte, ni par pudeur qu’il restait ainsi pantelant sous son baiser. Finement, elle lisait la lutte, en cette âme adolescente, des réflexes et de la volonté. Certes, elle méprisait un peu l’homme qui semble offusqué d’une familiarité féminine si simple, et dont elle avait, sans vouloir ni se prêter ni se donner, fait cent fois l’essai sur des jeunes gens de son âge et sur des fillettes. Mais toutefois elle sut que Jean n’éprouvait point devers elle les sentiments brutaux du petit galant affamé de la chair des femmes. Il s’était donc seulement commandé de ne pas toucher à sa cousine, et, malgré l’âpreté d’un contact qui enflamme toujours les mâles, il résistait à cette poussée sexuelle qu’elle avait devinée en lui aussi ardente pourtant que chez quiconque. Néanmoins, Lucienne était une jeune fille habituée, par l’instabilité de son passé et ce qu’elle prévoyait en son avenir, à prendre de la vie les plaisirs qu’elle offre, sans calculer si leur valeur morale les rend méprisables. D’ailleurs, pour elle, la moralité ne se trouvait point