réellement voir le mot « progrès », et la formule « civilisation » désigner autre chose que d’ignobles hypocrisies !
Voici une Vie de César. Les cuistres, qui ne sont point mieux informés que l’auteur : Renée Dunan, ont le goût de tous les hommes de cabinet, des rêveurs ignorant l’action, pour les spectacles mortels, immondes, de la guerre et des « grandes » conquêtes. Ils ont donc depuis vingt siècles, divinisé César. Le serf baise les genoux de son maître. Les historiens français se sont traînés aux pieds de ce politicien qui, de 55 à 46 avant notre ère, passe pour avoir aussi ravagé leur pays, coupant les poings aux prisonniers et vendant des millions d’esclaves pris parmi les paisibles ruraux gaulois…
Ce livre réagit contre tant d’humilité pédantesque. Il ne hait pas César. César est un fait du passé. Il faut l’admettre, L’homme fut certainement différent d’ailleurs des images qu’on en donne. Meilleur, probablement, c’est-à-dire moins soucieux de vanité pure, de cette vanité qu’on estime chez nous, avant toutes choses, et qui s’incarne en Napoléon. Il semble à Renée Dunan moins guerrier aussi et plus humain qu’on ne l’a dit. Homme, certes, avec des tares d’homme qui lutte et choit souvent. Mais jouisseur lascif, aimant encore à s’entourer d’amis aux opinions, dirait-on aujourd’hui, socialistes, comme cet étrange Dolabella qui préfigure Lenine. En cela, César s’atteste autre que les grands conquérants gangrenés d’orgueil. La vie seule le poussait,sans doute, dans un désordre social identique au nôtre, à se saisir de tous les rouages de l’État. Il ne semble point à Renée Dunan que ce fut par besoin vain de gloire populaire. C’est justement pourquoi Le Sexe et le Poignard, qui prétend bien comprendre la vie romaine à l’époque où la République allait disparaître, est un livre d’actualité. On sait qu’en Italie Mussolini se prétend une sorte de réincarnation de César. Partout les doublures de César abondent. Une vie de César que nous montre comment s’impose et évolue ce genre d’hommes était donc en quelque sorte nécessaire. La voici ! Il reste, quand on a lu le roman vécu de ce voluptueux et ambitieux chef… à se demander si nous le verrons renaître, s’il sera pire, et si les lendemains que préparent les Césars méritent l’estime dont on les entoure. Il faut aussi songer que même pour César l’avenir reste mystérieux. Il ne sut pas où il allait…
Savons-nous où nous allons ?
Le livre de Renée Dunan semble répondre à ces questions.
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